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UN DRAME AU KLONDIKE

La tête de Morganson lui tournait complètement. Mais il maîtrisa suffisamment son ivresse pour avaler le whisky et faire, quand il sortit, bonne contenance.

Il regagna, sous le clair de lune, la piste du Yukon et il reprit le chemin de son gîte. Il allait en clopinant, sur le fleuve glacé, dans la sérénité argentée de la nuit, le regard fixé sur une liasse de banknotes de cent dollars, qui dansait féeriquement devant lui.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Il était encore nuit quand il s’éveilla.

Il se retrouva dans ses couvertures, avec ses mocassins et ses moufles, qu’il avait omis d’enlever, et les rabats de sa casquette encore sur ses oreilles.

Il se leva, aussi vite que pouvait le lui permettre son scorbut, construisit un feu et y mit de l’eau à chauffer. Comme il jetait dans la bouillotte en ébullition une pincée de bourgeons de sapin, il vit que la pale lumière de l’aube hivernale apparaissait au ciel.

Pris de panique, il se saisit de son fusil et courut vers la berge du Yukon. Tandis qu’il s’aplatissait dans la neige, le souvenir lui vint qu’il avait, sur le feu, laissé en plan son infusion. Une seule pensée avait occupé son cerveau. John Thomson n’aurait-il pas changé d’avis, et aurait-il renoncé à voyager le jour de Noël ?

L’aurore se leva et se fondit dans la lumière