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Page:London - La brute des cavernes, trad Gruyer et Postif, 1934.djvu/20

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LA BRUTE DES CAVERNES

« La seule qu’il ait connue d’un peu près est la maîtresse d’école de Deer Lick. Celle qui lui a fourré dans la tête le goût de la poésie.

« Elle était folle du gamin et il ne s’en doutait pas.

« C’était une fille aux cheveux de flamme, qui lui courait après, ouvertement. Elle lui écrivit, pour se faire comprendre, des lettres désespérées. Il dédaignait même de les lire.

« — Brûle-les, me disait-il.

« Et je les brûlais.

« Deux fois elle vint ici sur un cheval de montagne. J’avais grand-pitié de la pauvre fille. Il était visible qu’elle dépérissait, tant elle désirait le gamin.

« Sais-tu ce que fit celui-ci et ce qu’il comprit à tant d’amour ? Il prit peur comme un lapin et, emportant avec lui fusil, munitions et couvertures, il décampa de la maison pour s’en aller vivre dans les bois.

« Je ne le revis pas un mois durant. Il reparut furtivement, un soir, pareil à un homme traqué, passa la nuit chez nous, après avoir constaté qu’il n’y avait personne, et repartit dès l’aube.

« Pendant trois mois, il renouvela de temps à autre ce petit jeu. Jusqu’au jour où je lui annonçai que, désespérée, son amoureuse avait quitté l’école de Deer Lick pour n’y plus revenir.

« Alors seulement il se rassura et revint au logis.