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brusque- son plan, quand je l’entendis demander à Whisky Bob de ramer à sa place et le vis rester à bord du cotre. Pas plus, d’ailleurs que je ne compris la remarque détournée que m’adressa l’Araignée dans un ricanement confidentiel :

— Bigre ! tu vas vite en besogne, toi !

Comment pouvait-il entrer dans la tête d’un gamin de mon âge qu’un grison de cinquante ans fût jaloux de lui ?


CHAPITRE VIII

« À la dernière chance »

Le lundi matin, de bonne heure, nous nous retrouvâmes au rendez-vous, pour conclure le marché, chez Johnny Heinhold. « À la Dernière Chance » : un bar, naturellement, où les hommes traitaient leurs affaires. Je versai la somme convenue, French Frank me remit le contrat de vente et me régala. C’était évidemment l’usage en pareil cas, et il me paraissait logique : le vendeur, après avoir touché son argent, en liquide une partie dans l’établissement où la transaction s’est faite. Mais, à ma grande surprise, French Frank offrit une tournée générale. Lui et moi nous buvions ensemble, c’était tout naturel ; mais pourquoi Johnny Heinhold, ce propriétaire de taverne trônant derrière son comptoir, était-il invité ? Je me rendis compte aussitôt qu’il réalisait un bénéfice, sur la consommation même qu’il absorbait.

Je pouvais, à la rigueur, admettre que l’Araignée et Whisky Bob, en tant qu’amis et compagnons de bord, fussent de la fête, mais pourquoi diable les caboteurs Bill Kelley et Soup Kennedy ? Avec Pat, frère de la Reine, cela faisait au total huit personnes. Malgré l’heure matinale, tous commandèrent du whisky. Que pouvais-je faire, parmi tant de gens importants, qui tous buvaient la même chose ?