Page:London - La saoulerie américaine, trad Postif, paru dans L'Œuvre du 1925-11-03 au 1926-01-05.pdf/74

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Dazzle, Les verres pétaient remplis et nous nous préparions à boire.

— Sens-toi aussi, Johnny, dis-je avec l’air d’avoir jusque là différé mon intention, trop absorbé que j’étais par ma conversation intéressante avec le Peigne et Pat.

Johnny me jeta un coup d’œil vif et pénétrant. Il, devinait, j’en suis sûr, les pas de géant que je faisais dans mon éducation. Il prit la bouteille de whisky qu’il mettait de côté pour lui et s’en versa. Ce geste réveilla pour une seconde mes sentiments d’épargne. Il s’était offert une consommation de dix cents, alors que tous nous en buvions à cinq cents ! Mais je repoussai immédiatement ce malaise, tant il me parut mesquin à la lueur de nouvelles conceptions, et je ne me trahis pas.

— Le mieux est de porter tout cela sur ton bouquin, dis-je à Johnny quand nous eûmes fini.

Et j’eus la satisfaction de voir une page blanche réservée à mon nom, puis une somme inscrite au crayon pour une tournée s’élevant à trente cents. Et j’entrevis, comme dans un nuage d’or, des jours à venir où cette page serait bien noircie puis barrée et noircie à nouveau.

J’offris une deuxième tournée. À ma stupéfaction, Johnny se racheta de cette affaire de sa rasade à dix cents la bouteille, derrière son comptoir, il nous offrit à tous un verre. J’en conclus qu’il s’était fort bien acquitté arithmétiquement envers moi.

Quand nous fûmes dehors, l’Araignée suggéra :

— Si nous allions faire un tour à la Maison de Saint-Louis ?