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Nelson ? C’était à « La Dernière Chance ». Johnny Heinhold fit les présentations. Le vieux était déjà remarquable par le simple fait d’être le père de Nelson. Mais il y avait autre chose en lui. Il était patron d’une gabare à fond plat appelée l’Annie Mine, et quelque jour je pouvais bien partir avec lui comme matelot. Mieux encore : il ressemblait à un personnage de roman, avec ses yeux bleus, sa tignasse fauve, ses os rudes de Viking. Maigre son âge, il avait un corps puissant et des muscles d’acier. Et il avait bourlingué sur toutes les mers, dans des navires de toute nationalité, aux époques de navigation primitive. J’avais entendu raconter d’étranges histoires à son sujet, et je l’admirais à distance. Il fallut le bar pour nous rapprocher. Même alors, notre connaissance eût pu se borner à une simple poignée de mains et à un mot — c’était vieux type laconique — n’eût été la boisson.

— Prenez un verre, dis-je vivement, après la pause que je considérais comme de bon ton selon l’étiquette des buveurs.

Tandis que nous vidions nos chopes, que j’avais payées, il devait naturellement causer avec moi. Johnny, en bistro bien stylé, plaça à propos quelques mots qui nous suggéraient des sujets de conversation d’intérêt mutuel. Et, après avoir bu ma tournée, le capitaine Nelson m’en offrir une autre, ce qui prolongea notre bavardage. Johnny nous abandonna pour d’autres clients.

Plus nous absorbions de liquide, plus le capitaine Nelson et moi devenions amis. Il trouvait un auditeur attentif qui, grâce à ses lectures, en connaissait déjà long sur l’existence de matelot qu’il avait vécue.