Aller au contenu

Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

précis, ils entraient en lutte contre la marée qui fonçait sur eux depuis la baie de San Pablo.

Une brise opiniâtre s’était levée, et les petites vagues brisées se rabattaient obstinément. Je commençais à boire la tasse. Mon expérience de nageur me disait que j’approchais de la fin.

À ce moment surgit un bateau : celui d’un pêcheur grec qui filait vers Vallejo. Une fois de plus ma forte constitution et ma résistance physique m’avaient arraché aux griffes de John Barleycorn.

Et, en passant, laissez-moi vous dire que ce tour diabolique ne sort nullement de ses habitudes. Une statistique complète de la proportion des suicides dus à l’alcool serait effrayante. Dans le cas d’un jeune homme tel que moi, plein de la joie de vivre, l’idée de se détruire était peu banale, mais il faut tenir compte de son apparition à la suite d’une longue orgie, alors que mes nerfs et mon cerveau étaient empoisonnés. Le mirage romanesque avait paru délectable à mon imagination surchauffée.

Or, justement, les buveurs plus âgés, plus morbides, plus blasés et plus désillusionnés qui se suicident mettent généralement leur projet à exécution après une longue débauche, lorsque leurs nerfs et leurs cerveaux sont sursaturés de poison.