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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/160

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poêle, mais nous n’y étions pas admis, et dans le magasin on gelait comme en plein air.

Louis et moi examinâmes la situation. Il ne restait qu’une solution : le bar, où les hommes s’assemblent et trinquent avec John Barleycorn.

Je me souviens du soir où Louis et moi partîmes en quête d’un abri. Il faisait un vent humide et, sans pardessus — faute d’argent pour en acheter — nous grelottions sous nos vestes.

Les bars sont toujours chauffés et confortables. Ce n’était pas pour boire que nous y allions ; mais nous savions pertinemment qu’un bar n’est pas une institution charitable ni un endroit où l’on puisse s’attarder à son gré sans commander, de temps à autre, quelques verres au comptoir.

L’argent n’encombrait pas nos poches. Nous ne tenions nullement à le gaspiller, il était précieux pour voyager en tramway avec nos amies. Quand nous étions tous les deux seuls, nous préférions aller à pied.

Nous entrâmes donc dans le café avec la ferme intention d’en avoir pour notre argent. Nous demandâmes un jeu de cartes et, assis à une table, nous jouâmes pendant une heure à l’enchère. Louis paya une tournée, moi une autre, de la bière — c’est ce qu’il y avait de moins cher — à dix cents pour deux. Ah, nous n’étions pas prodigues ! Comme nous la faisions durer, cette bière !

Nous observâmes les clients qui entraient. C’étaient des ouvriers d’âge moyen ou des vieux, des Allemands pour la plupart, qui paraissaient se connaître depuis longtemps et se réunissaient par petits groupes