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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/178

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pour obtenir d’eux un relèvement des salaires ou une diminution des heures de travail. Ceux-ci, à leur tour, en faisaient autant lorsqu’il s’agissait de réprimer un mouvement du prolétariat. En tout cela, je n’apercevais pas la moindre dignité. Et quand un travailleur devenait vieux ou était victime d’un accident, on le jetait au rancart, tout comme une machine hors d’usage. Combien ai-je vu de spectacles qui démentaient carrément cette théorie de la vie ennoblie par le travail !

Ma nouvelle conclusion fut que le travail manuel manquait de dignité et ne rapportait rien. J’envoyai promener les métiers et les filles de directeurs. Défier la loi, il n’y fallait pas songer non plus ; cela serait pour moi presque aussi désastreux que de rester manœuvre. C’est le cerveau qui paie, et non les muscles : je résolus de ne jamais plus les offrir sur le marché. Je vendrais du cerveau, rien que du cerveau !

Je retournai en Californie avec la ferme intention de cultiver mon intelligence ; il me fallait pour cela une éducation scolaire. Bien des années auparavant, j’avais fréquenté l’école primaire d’Oakland ; j’entrai alors à l’école secondaire. Pour régler les frais, j’acceptai le poste de concierge. Ma sœur m’aidait un peu, et je ne répugnait nullement, quand j’avais une demi-journée de congé, à tondre les gazons, à enlever et à battre les tapis. Je travaillais de mes mains pour fuir le labeur manuel, et je m’attelais à la tâche avec la pleine conscience de ce paradoxe.

Je laissai derrière moi l’amour des filles et l’amitié des garçons, Haydée et Louis Shattuck, ainsi que les balades du soir. Je n’avais plus le temps d’y songer. Je suivis les conférences