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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/213

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dégoût. Je ne me rappelle pas mon premier cocktail ni mon premier verre de whisky de marque écossaise.

J’avais à présent une maison. Le fait même d’accepter une invitation implique l’obligation de la rendre sur un pied d’égalité sociale, et de ne pas agir autrement que les autres. Je m’approvisionnai donc, chez moi, de bière, de whisky et de vins de table, et depuis j’ai pris soin de n’en jamais être à court.

Mais pendant toute cette période je n’éprouvai pas le moindre penchant pour John Barleycorn. Je buvais avec mes hôtes pour être sociable. Et le choix d’une boisson m’importait si peu que ce qu’ils prenaient, bière, alcool ou sirop, était toujours bon pour moi. Quand la maison était vide d’amis, eh bien, je m’abstenais. Les carafes de whisky étaient dans mon Cabinet de travail ; mais, pendant des mois et des années, je n’y touchai jamais tant que je me trouvais seul.

Lorsque je dînais en ville, je ne manquais pas d’observer la lueur de douce et franche gaieté qu’allumait le premier cocktail dans les yeux des convives. Mon enjouement naturel et ma vitalité n’en réclamaient pas tant, car jamais l’idée ne me serait venue, lorsque je mangeais seul, de prendre un cocktail avant le repas.

Pourtant je me souviens d’un homme très spirituel, un peu plus âgé que moi, qui venait de temps à autre me rendre visite. Il aimait le whisky. Nous restions parfois des après-midi entiers dans mon cabinet de travail, à boire sec. Lorsqu’il était à moitié ivre, je m’apercevais seulement que le whisky produisait quelque effet sur moi. Si je m’abandonnais à cette pratique,