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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/244

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à tout le plaisir dont ce docteur a cru bon de se priver ! Tu préfères te passer des biens que je peux t’offrir, et te laisser un jour bouffer par les microbes ? Crois-moi, la justice n’est pas de ce monde. La vie n’est qu’une loterie. Mais je sais la faire voir en rosé, et rire de tout ce que je vois. Allons, ris avec moi ! Ton tour arrivera bien assez tôt. En attendant, déride-toi ! Ici-bas, tout n’est que tristesse. Je sèmerai de la joie à ton intention. Je te le répète : nous vivons dans un sale monde, exposé à des malheurs comme celui qui s’est abattu sur ton toubib. Le mieux est d’aller se taper un autre verre. Ne songeons plus à ça. »

Et, naturellement, j’allai vider une nouvelle coupe pour noyer le souvenir de cet incident. Je répétai le geste chaque fois que John Barleycorn me le rappelait. Pourtant je buvais intelligemment. Je veillais à ce que les liquides soient de la meilleure qualité. Je recherchais le stimulant et l’oubli, en évitant soigneusement les désavantages que n’auraient pas manqué de m’imposer les alcools bon marché et l’ivresse crapuleuse. En passant, il convient de remarquer que dès l’instant où un homme apporte toute cette méthode et cette discrétion dans son habitude de boire, c’est qu’il est gravement atteint et profondément engagé dans la voie fatale.

Je continuais à respecter religieusement la règle que je m’étais tracée : ne jamais toucher à l’alcool avant d’avoir terminé mes mille mots. Cependant, de temps à autre, je m’offrais un jour de congé ; alors, j’usais en plein de ma liberté, sans m’inquiéter de l’heure où je prenais mon premier verre.