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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/28

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alors mon indignation se donnait libre cours et je proférais les plus basses injures. Je m’asseyais sur le lit, je me débattais contre les mains qui me retenaient, et j’insultais mon père jusqu’à faire résonner les poutres. Toutes les saletés inconcevables que peut entendre un enfant courant à sa guise dans une contrée primitive sortaient maintenant de mes lèvres, et bien que jamais je n’eusse osé répéter ces jurons, je les déversais à tue-tête sur mon père assis là parmi ces Chinois aux longs cheveux et aux ongles interminables.

Je me demande comment mon cœur et mon cerveau n’ont pas éclaté ce soir-là. Les artères et le système nerveux d’un enfant de sept ans ne sont guère en mesure d’endurer les terribles convulsions dont j’étais la victime. Personne ne dormit dans la pauvre petite ferme, au cours de cette nuit où John Barleycorn me tenait à sa merci.

Larry, installé sous le pont, n’eut pas le délire comme moi. Je suis certain qu’il dormit d’un sommeil hébété et sans rêves et s’éveilla le lendemain, l’esprit lourd et morose. S’il vit encore, il est probable qu’il ne se souvient de rien, tant cet incident dut lui paraître insignifiant. Mais mon cerveau en garde à jamais la trace. J’écris ces lignes trente ans après, et pourtant toutes mes visions demeurent aussi distinctes et vivaces, toutes mes souffrances aussi vitales et effroyables qu’en cette nuit dont je parle.

Je restai alité pendant plusieurs jours, et par la suite je n’eus pas besoin des injonctions de ma mère pour éviter John Barleycorn. Outrée de ma conduite, elle maintenait que j’avais mal,