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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/32

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salle d’auberge de Colma, où mon père, et, à défaut, l’homme qui conduisait, ne manquait jamais de s’arrêter. Je descendais aussi pour me chauffer près du gros poêle et manger un soda cracker. On ne m’en donnait qu’un, mais quel luxe fabuleux pour moi ! Les hôtelleries au moins servaient à quelque chose ! Quand je reprenais ma place derrière les chevaux de trait, je dégustais pendant une heure cet unique cracker. J’en recueillais méticuleusement les moindres bribes et les mâchais jusqu’à les réduire à la plus fine et la plus délectable des pâtes, que je n’avalais jamais de mon propre gré. Je me contentais d’y goûter, et je continuais à la savourer en la retournant sur ma langue ; je l’étalais contre une joue puis l’autre. Enfin elle s’échappait en gouttelettes et suintements qui me glissaient dans la gorge. Je n’avais rien à apprendre d’Horace Fletcher en matière de soda crackers. J’aimais les saloons, en particulier ceux de San Francisco. Là s’étalaient les plus délicieuses friandises : pains de fantaisie, crackers, fromages, saucisses, sardines, toutes sortes de mets étonnants que je n’avais jamais vus sur notre pauvre table. Je me souviens qu’une fois un tenancier de bar me prépara un verre de sirop et de soda ; c’était une boisson douce, non alcoolisée. Mon père ne la paya pas. C’était la tournée du bistrot.