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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/92

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naturellement à marée haute et virèrent sur leurs ancres. Le canot de pêche, toujours rempli de pierres et d’eau, restait au fond.

De bonne heure, le lendemain, j’entendis des cris sauvages provenant du Reindeer, et je dégringolai de ma couchette, dans l’aube grise et froide, pour assister à un spectacle qui fit rire tout le port pendant plusieurs jours. Le magnifique canot de pêche au saumon gisait à même le sable, aplati comme une galette, et sur lui étaient perchés la goélette de Frank-le-Français et le Reindeer. Malheureusement, deux planches du Reindeer avaient été enfoncées par la puissante étrave de chêne du canot. La marée montante s’était introduite par la brèche et venait d’éveiller Nelson car l’eau avait atteint sa couchette. Je prêtai la main pour pomper l’eau du Reindeer et réparer les avaries.

Ensuite Nelson fit cuire le déjeuner et tout en mangeant, nous examinâmes la situation. Il était fauché. Moi aussi. Il ne fallait plus escompter la récompense de cinquante dollars pour ce misérable tas de débris écrasés sur le sable. Nelson avait une main blessée et plus d’équipage. Moi j’avais ma grand-voile brûlée et pas de second.

— Si on partait ensemble, toi et moi ? demanda Nelson. Je répondis :

— Je suis ton homme.

Et voilà comment je devins l’associé du Jeune Griffeur, Nelson, le plus farouche, le plus fou de la bande. Nous empruntâmes à Johnny