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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/10

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geusement et bouclait sans arrêt des ceintures autour de la taille des passagers.

Un groupe de femmes avait refoulé du dehors. Le visage décomposé et la bouche béante, elles hurlaient, comme un chœur d’âmes perdues.

Voilà ce qui, surtout, m’ébranlait les nerfs. La trogne rouge en était, en dépit de son sang-froid, tout aussi excédée. De colère, il était devenu pourpre et, les bras étendus en l’air, comme pour exhorter les malheureuses, il clamait à tue-tête :

— Taisez-vous, bon Dieu ! Taisez-vous !

Il y avait, dans cette scène, une sorte de comique involontaire, qui me fit éclater de rire. Puis, l’instant d’après, l’horreur de la situation m’étreignit de nouveau. Je songeai que ces femmes, de la même race que moi, étaient semblables à ma mère et à mes sœurs, et se refusaient à mourir.

N’y pouvant plus tenir, j’avais vivement regagné le pont du navire. Le cœur sur les lèvres, je m’effondrai sur un banc.

Devant moi, je vis et j’entendis confusément les hommes du bord qui s’efforçaient, en criant, de descendre à l’eau les chaloupes. Cela se passait exactement comme dans les livres. Les poulies étaient coincées. Rien ne fonctionnait.

Une première chaloupe, bourrée de femmes et d’enfants, fut mise à la mer. Mais, à peine s’était-elle un peu éloignée qu’elle s’emplit d’eau et coula à pic.

Un second canot resta pendu en l’air, par