Aller au contenu

Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LE LOUP DES MERS

Autour de moi, une foule de gens se débattaient, s’appelaient les uns les autres. J’entendis aussi, dans le brouillard, un bruit de rames. Sans doute le paquebot fantôme avait-il baissé ses chaloupes.

J’étais étonné de n’être pas déjà mort. Mes membres inférieurs complètement paralysés, je sentais un engourdissement me gagner petit à petit jusqu’au cœur. De petites vagues, aux crêtes écumantes, se brisaient sur ma tête, l’eau pénétrait dans ma bouche. Je suffoquais chaque fois.

À mon insu, le jusant m’avait entraîné. Les sons que j’entendais se firent indistincts. Le dernier bruit que je perçus fut une clameur désespérée, et je compris que le Martinez avait sombré.

Et, tout à coup, j’eus, dans un sursaut de frayeur, l’impression que j’étais seul. Le silence m’environnait. Rien que le clapotis de l’eau, plus sinistre encore dans le brouillard grisâtre. Une panique, partagée avec une foule, est moins effrayante que celle qui s’abat sur vous, quand vous êtes seul. Pourtant, tel était mon cas. J’allais à la dérive. Où étais-je ainsi emporté ?

L’homme à la trogne rouge m’avait dit que la mer descendante refluait vers la Porte d’Or. Allais-je donc être entraîné au large ? Et ma ceinture de sauvetage, combien de temps me soutiendrait-elle encore ? J’avais entendu dire que dans ces gilets de sécurité, il y avait beaucoup plus de papier que de liège. Ils se saturaient bientôt d’eau et perdaient alors toute flottabilité.