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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/229

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JACK LONDON

partenaient, passa près du Fantôme, à un jet de biscuit, et quand son capitaine nous héla, en s’informant si nous n’avions rien trouvé, je me souviens que Loup Larsen, après une réponse négative, braqua son fusil vers le chasseur et les deux rameurs, afin de les contraindre à se taire.

Thomas Mugridge, qui s’accrochait à la vie avec une telle opiniâtreté, se remit bientôt à clopiner et à vaquer à son double rôle de mousse et de cuisinier.

Johnson et Leach furent plus que jamais rudoyés et battus, et se persuadèrent de plus en plus qu’ils rendraient leur âme à Dieu avant la fin de la saison de chasse. Le reste de l’équipage continua également à mener une chienne de vie, tandis que mes relations avec Loup Larsen demeuraient, en apparence, assez cordiales.

Mais au fond, je ne pouvais me débarrasser de cette idée que mon devoir était de le tuer. Cette pensée exerçait sur moi une fascination incommensurable, incommensurable comme la crainte que j’avais de lui.

Et pourtant je ne pouvais m’imaginer cet homme gisant et agonisant. Il y avait en lui une telle force de vie que l’image de la mort me paraissait, en ce qui le concernait, un contresens et une anomalie.

Il ne cessait de m’apparaître indestructible et plein de sève ; il luttait en ayant toujours le dessus, détruisait, et se survivait à lui-même.

Une de ses distractions favorites, lorsque nous

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