Aller au contenu

Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
JACK LONDON

dit Loup Larsen. Il faut nous occuper du blessé.

J’hésitai à lâcher la main de la jeune femme, qui se crispait dans la mienne. Mais je la vis agiter ses lèvres et, sans parvenir à émettre un son, me donner clairement à entendre que je devais m’occuper du cuisinier.

— Je vous en prie… murmura-t-elle enfin.

Et j’obéis.

Loup Larsen m’abandonna à ma tâche, avec quelques matelots comme assistants. Il s’occupa, quant à lui, de tirer vengeance du requin.

Un lourd croc à émerillon[1] fut appâté d’un morceau de lard salé et jeté par-dessus bord.

Le monstre, qui ne s’était pas éloigné, mordit en plein à l’hameçon. Pendant ce temps, je m’occupais du moignon de Mugridge ; pour arrêter l’hémorragie, je comprimais de mon mieux les veines et les artères tranchées. J’entendis l’équipage lancer son chant rythmé :

— Oh, hisse ! Oh, hisse !

Mes aides m’abandonnèrent, pour se joindre à leurs camarades et leur prêter main-forte.

Le requin, long de plus de cinq mètres, fut halé sur le pont et, malgré ses soubresauts formidables, des leviers, introduits dans sa gueule, la lui ouvrirent de force.

Un énorme pieu, affilé des deux bouts, fut alors

  1. Crochet tournant, rivé au bout d’une chaîne, et qui s’emploie notamment pour la pêche du requin.