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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/3

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JACK LONDON

Un épais brouillard couvrait toute la baie ; et en ma qualité de terrien, je n’étais pas très rassuré.

En proie à un vague malaise, je quittai le salon commun et gagnai le pont supérieur, où j’allai m’installer en dessous de la passerelle, et je me pris à philosopher sur cette brume mystérieuse qui m’enveloppait.

Un vent frais me soufflait au visage et j’étais là, seul, dans l’obscurité humide. Pas complètement seul, car dans la cabine vitrée qui était au-dessus de ma tête, je sentais confusément la présence du pilote et du capitaine, qui se tenait, sans doute, près de lui.

J’admirais l’avantage que procure, dans la vie sociale, la spécialisation du travail humain. Ainsi, je pouvais, sans rien connaître moi-même au brouillard, aux vents et aux marées, m’en aller en toute sécurité rendre visite, chaque semaine, à mon ami.

De mon côté, je pouvais, n’étant pas distrait par ces diverses contingences, me consacrer à d’autres études plus spéculatives. Par exemple, analyser l’influence d’Edgard Poe sur la littérature américaine. Un essai sur ce sujet, signé de moi, venait justement de paraître dans le numéro courant de la revue l’Atlantic.

Lors de mon embarquement, j’avais, en entrant dans le salon des voyageurs, avidement observé un gros monsieur qui lisait ladite revue, ouverte à la page même de cet article. Et là encore, la