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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/305

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JACK LONDON

Loup Larsen s’était saisi d’une carabine et introduisait une cartouche dans le canon.

Du regard, je suppliai la jeune femme de s’abriter.

— Nous pouvons être de faibles créatures terriennes privées de jambes, me répondit-elle tout haut. Mais je veux montrer au capitaine Larsen qu’une femme peut se montrer, à l’occasion, aussi brave que lui.

— Très bien, Miss, déclara Loup Larsen. Ça me plaît. Des talents d’écrivain, de l’intelligence et de la bravoure ! Vous êtes bien équilibrée. Un bas-bleu, digne d’être la femme d’un chef de pirates…

« Hum ! Nous reviendrons plus tard sur ce sujet ! ajouta-t-il, alors qu’une seconde balle venait s’enfoncer dans le toit de l’escalier de la cabine.

Je vis la lueur d’or pétiller dans ses prunelles et dans celles de Maud passer l’effroi, en dépit de sa crânerie.

Je donnai trois ou quatre tours de roue, à la suite d’une embardée du Fantôme, que je remis dans la bonne route, et m’écriai :

— Au fond, Miss Brewster, nous sommes mille fois plus courageux que notre capitaine. Nous tremblons, notre chair a peur, mais notre volonté la domine. Il a, lui, les nerfs plus solides, une plus grande habitude du danger. Son mérite à garder son sang-froid est bien moindre que le nôtre.

— Ce que vous dites n’est pas absurde, approuva Loup Larsen. C’est une face de la question…

Et, s’agenouillant, il épaula sa carabine.

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