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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/324

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LE LOUP DES MERS

me parvenait à travers la cloison, tandis que Loup Larsen, de plus en plus excité, se lançait dans une apologie de la révolte contre l’Être Suprême, en prenant comme thème le Lucifer de Milton.

— Sa cause était une cause perdue, expliquait-il. Mais il n’a pas eu peur de l’exposer aux foudres de Dieu. Précipité dans l’Enfer, il a entraîné avec lui le tiers des Anges.

« Puis il a incité l’homme à se révolter à son tour, contre le Créateur, et a gagné à son royaume maudit les trois quarts des futures générations.

« Pourquoi a-t-il été chassé du Ciel, où il aurait pu, à peine en dessous du trône de Dieu, rester heureux ? Il s’est révolté parce qu’il ne voulait pas de supérieur au-dessus de lui, parce qu’il était un esprit libre, conscient de sa valeur, il refusait d’avoir un maître.

« Mais Dieu, dont il était l’égal en noblesse et en bravoure, s’était emparé du tonnerre et voulait le dominer.

« Et il a préféré, à une servilité dorée, une éternité de souffrances. En Enfer, il serait le premier.

— Mettons, dit Maud Brewster, que Lucifer a été le premier anarchiste…

Elle se leva pour se retirer.

Loup Larsen se leva aussi et, s’interposant entre elle et l’escalier, il poursuivit :

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