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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/375

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JACK LONDON

— On dirait vraiment que nous rentrons chez nous…, observa Maud, tandis que je tirais le canot contre la rive.

Elle avait prononcé ces paroles si naturellement, et d’un ton si convaincu, que j’en frissonnai.

— J’ai l’impression, comme vous, d’avoir toujours vécu cette existence, répondis-je. Le monde d’où nous venons, celui des civilisés, des livres et de l’étude, ne m’apparaît plus que comme un rêve irréel et lointain. Il ne surnage plus que dans mon souvenir.

« Je suis de plus en plus persuadé que j’ai, depuis ma naissance, navigué, lutté et chassé tous les jours.

« Et vous faites, Maud, partie de cette vie-là. Vous êtes…

J’allais terminer : « ma compagne et ma femme ». Je me retins et dis :

— … Vous tenez drôlement bien le coup.

Mais la fine oreille de Maud avait surpris la fêlure. Elle comprit que ma pensée s’était interrompue à mi-route.

— Ce n’est pas ça que vous vouliez dire…, me jeta-t-elle, avec un regard interrogateur. Vous disiez donc ?

— Que la célèbre Américaine Mme Meynell, dans un cas semblable, s’était merveilleusement adaptée à la vie sauvage qui lui était imposée.

— Ah ! répondit Maud, sans insister davantage.

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