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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/63

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JACK LONDON

Au point de vue de la pure logique, mon raisonnement était irréfutable et juste. Et pourtant j’avais honte d’agir ainsi. Aujourd’hui encore, je rougis à ce pénible souvenir. Car il est indéniable que j’ai pâti cruellement dans ma dignité d’homme.

Mais je reviens à mon histoire. Ma hâte de fuir avait été telle que mon genou flancha sous l’effort et que je m’écroulai sur le pont.

Pourtant, le coq ne m’avait pas poursuivi et ce fut de la porte de sa cuisine que je l’entendis qui me criait :

— Regardez-le courir avec sa jambe en pâté de foie ! Allons, reviens, mon pauvre petit mignon… Reviens et n’aie pas peur ! Je ne te battrai pas. C’est promis…

Je revins vers la cuisine et poursuivis mon travail, et ce premier épisode de la journée prit fin. D’autres tribulations m’étaient réservées.

Je dressai donc la table, dans le carré, et, à sept heures, j’apportai leur petit déjeuner à Loup Larsen, à son second et aux chasseurs de phoques.

Durant la nuit, la tempête s’était notablement apaisée, mais la mer restait houleuse et le vent assez violent.

Dès le matin, les hommes de quart avaient donné de la toile et mis toutes voiles dehors, à l’exception des deux flèches et du clinfoc, qui ne devaient être largués qu’au cours de l’après-midi[1].

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  1. Les « flèches » sont des voiles triangulaires ou trapézoïdales qui, aux mâts d’une goélette, surmontent la grande