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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/7

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petites étincelles, qui, chevauchant leurs coursiers de bois et d’acier, plongeaient en plein cœur du mystère. Aveugles, ils allaient dans l’invisible, à grands coups de gueule, hardis en apparence, alors que leurs cœurs étaient lourds d’incertitude et de crainte.

Ce fut la voix de mon compagnon qui me ramena à la réalité. Je sortis de mon rêve et souris. Car je m’étais égaré, moi aussi, sans m’en apercevoir, dans des pensées plutôt fumeuses.

— Hé, dites ! Quelqu’un vient de notre côté. Écoutez ! Et il se dépêche… Il fonce droit sur nous. Il ne nous aura pas encore entendus. Le vent souffle en direction contraire.

C’était sur nous que portait le vent et le son de la sirène du navire inconnu nous arrivait en plein, en avant et légèrement sur la droite.

— Un ferry-boat ? demandais-je.

L’homme acquiesça de la tête et répondit :

— Évidemment, avec une voix pareille… (Il eut un ricanement, puis reprit soudain :) Là-haut ils commencent à avoir sérieusement la trouille.

Je levai les yeux. Le capitaine, le buste hors de la cabine vitrée, interrogeait le brouillard comme si, par la seule force de sa volonté, il avait pu réussir à le sonder.

Ses traits reflétaient son inquiétude, tout comme ceux de l’homme à la trogne rouge, qui s’était avancé vers la lisse et regardait, avec autant d’attention, l’invisible danger.