— Mais avec le lait augmenté de deux cents, il me semble que vous auriez pu soutenir la concurrence, suggéra Ernest avec malice.
— Nous le croyions aussi. Nous avons essayé. — M. Calvin fit une pause. — Et ce fut notre ruine. Le Trust pouvait mettre le lait sur le marché à plus bas prix que nous. Il pouvait encore réaliser un léger bénéfice alors que nous vendions purement à perte. J’ai perdu cinquante mille dollars dans cette aventure. La plupart d’entre nous ont fait faillite[1]. Les crémiers ont été balayés.
— De sorte que le Trust ayant pris vos bénéfices, dit Ernest, vous vous êtes jeté dans la politique pour qu’une législation nouvelle balaye le Trust à son tour et vous permette de les reprendre ?
La figure de M. Calvin s’éclaira.
— C’est précisément ce que je dis dans mes conférences aux fermiers. Vous venez de concentrer tout notre programme dans une coque de noix.
— Et pourtant, le Trust produit du lait à meilleur marché que les crémiers indépendants ?
— Parbleu, il peut bien le faire, avec l’organisation splendide et l’outillage dernier mo-
- ↑ Faillite ou banqueroute, institution spéciale qui permettait à l’industriel qui n’avait pas réussi de ne pas payer ses dettes, et qui avait pour effet d’adoucir les conditions par trop sauvages de cette lutte à coups de griffes et de dents.