Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/16

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les faits scientifiquement constatés avaient-ils renversé leurs explications subjectives qu’ils en fabriquaient de nouvelles sur une échelle plus vaste, pour y faire rentrer l’explication des derniers faits constatés. Voilà, je n’en doute pas, tout ce qu’ils continueront à faire jusqu’à la consommation des siècles. Messieurs, les métaphysiciens sont des sorciers. Entre vous et l’Esquimau qui imaginait un dieu mangeur de graisse et vêtu de fourrure, il n’y a d’autre distance que quelques milliers d’années de constatations de faits.

— Cependant la pensée d’Aristote a gouverné l’Europe pendant douze siècles, énonça pompeusement le Dr  Ballingford, et Aristote était un métaphysicien.

Le Dr  Ballingford fit des yeux le tour de la table et fut récompensé par des signes et des sourires d’approbation.

— Votre exemple n’est pas heureux, répondit Ernest. Vous évoquez précisément une des périodes les plus sombres de l’histoire humaine, ce que nous appelons les siècles d’obscurantisme : une époque où la science était captive de la métaphysique, où la physique était réduite à la recherche de la pierre philosophale, où la chimie était remplacée par l’alchimie, et l’astronomie par l’astrologie. Triste domination que celle de la pensée d’Aristote !

Le Dr  Ballingford eut l’air vexé, mais bientôt son visage s’éclaira et il reprit :