Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/52

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qu’il en arrive plus dans l’heure avant la sortie que dans tout le reste de la journée. Un homme n’est plus si vif quand il a trimé des heures sans arrêter. J’en ai assez vu pour savoir, des bonshommes entaillés, ou rabotés, ou déchiquetés.

— Vous en avez vu tant que cela ?

— Des cents et des cents, et des enfants dans le tas.

À part certains détails horribles, son récit de l’accident était bien conforme à celui que j’avais déjà entendu. Comme je lui demandais s’il avait enfreint quelque règlement sur la conduite de la machine, il hocha la tête.

— J’ai fait sauter la courroie de la main droite, et j’ai voulu ôter le caillou avec ma gauche. Je n’ai pas regardé si la courroie était bien dégagée. Je croyais que ma main droite avait fait le nécessaire, j’allongeai vivement le bras gauche… et pas du tout, la courroie n’était qu’à moitié dégagée… et alors mon bras fut broyé.

— Vous avez dû souffrir atrocement, dis-je avec sympathie.

— Dame, l’écrasement des os, ça n’était pas drôle.

Ses idées semblaient un peu confuses au sujet de l’action en dommages-intérêts. La seule chose claire pour lui, c’est qu’on ne lui avait pas accordé la moindre compensation. D’après son impression, cette décision adverse du tribunal reposait sur le témoignage des contremaîtres