Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/54

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pauvre diable d’ouvrier comme Jackson. Mais ce détail me semblait secondaire, et, à mon idée, il devait sûrement y avoir quelque bonne raison pour que Jackson eût perdu la partie.

— Comment se fait-il que vous n’ayez pas gagné ce procès ? — demandai-je.

L’avocat, un moment, parut embarrassé et ennuyé, et je me sentis prise de pitié pour cette pauvre créature. Puis il commença à geindre. Je crois qu’il était né pleurnicheur, et appartenait à la race des vaincus dès le berceau. Il se plaignit des témoins, qui n’avaient fait que des dépositions favorables à la partie adverse : il n’avait pu leur arracher un mot en faveur de Jackson. Ils savaient de quel côté leur tartine était beurrée. Quant à Jackson, ce n’était qu’un sot. Il s’était laissé intimider et confondre par le colonel Ingram. Celui-ci excellait dans les contre-interrogatoires. Il avait retourné Jackson avec ses questions et lui avait arraché des réponses compromettantes.

— Comment ses réponses pouvaient-elles être compromettantes s’il avait la justice de son côté ? demandai-je.

— Qu’est-ce que la justice a à voir là-dedans ? demanda-t-il en retour. Et me montrant les nombreux volumes rangés sur les étagères de son pauvre bureau : — Vous voyez tous ces livres : c’est en les lisant que j’ai appris à distinguer entre le droit et la loi. Demandez à n’importe quel basochien. Il faut aller à l’école