Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/64

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en l’homme capable de faire une chose pareille ?

La soudaineté de son accès de colère me surprit et m’effraya. Il cracha[1] un juron formidable et serra le poing comme pour me frapper.

— Je vous demande pardon, dit-il au bout d’un moment. Non, cela n’a pas été facile… Et maintenant, je crois que vous feriez mieux de vous en aller… Vous avez tiré de moi tout ce que vous vouliez. Mais laissez-moi vous avertir d’une chose avant votre départ. Il ne vous servira à rien de répéter ce que je vous ai dit. Je le nierai, et il n’y a pas de témoins. Je nierai jusqu’au moindre mot : et, s’il le faut, je le nierai sous serment à la barre des témoins.

Après cette entrevue, j’allai retrouver père à son bureau dans le bâtiment de la Chimie, et j’y rencontrai Ernest. C’était une surprise inattendue, mais il vint au-devant de moi avec ses yeux hardis et sa ferme poignée de main et ce curieux mélange d’aise et de gaucherie qui lui était familier. Il semblait avoir oublié notre dernière réunion et son atmosphère un peu orageuse ; mais aujourd’hui je n’étais pas d’humeur à lui en laisser perdre le souvenir.

— J’ai approfondi l’affaire Jackson, lui dis-je brusquement.

  1. Disons pour expliquer, non pas le juron de Smith, mais le verbe énergique employé par Avis, que ces virilités de langage, communes à l’époque, exprimaient parfaitement la bestialité de la vie qu’on menait alors, vie de félins plutôt que d’êtres humains.