Page:London - Le Tourbillon, trad Postif, 1926.djvu/92

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pour chacun. Franchement je ne peux jamais pressentir qui gagnera, tellement nous nous valons l’un l’autre… Nous voilà donc à cet assaut… Je ne vous ennuie pas ?

— Non, non, s’écria-t-elle. Je suis charmée de vous entendre. Vous êtes si intéressant !

Il reçut ce compliment d’un air calme, sans broncher ni remercier.

— Nous voilà donc en train de nous battre six, sept, huit reprises, toujours à égalité de points. J’ai mesuré ses élans et lui ai envoyé des directs du gauche, et j’ai répondu à ses feintes par un méchant petit uppercut du droit, et il m’a tambouriné les mandibules et les oreilles jusqu’à ce que ma tête tout entière chante et bourdonne. Et tout est au mieux pour nous deux, avec une décision de partie nulle en perspective. La durée du combat était de vingt reprises.

Alors survient sa mauvaise chance. Nous sommes en train d’en venir à un corps à corps qui n’est pas encore engagé, quand il me lance un court crochet à la tête, du gauche, un coup à me faucher s’il m’atteignait à la mâchoire. J’esquive en plongeant en avant, mais pas assez vite, et il m’atteint en plein sur le côté de la caboche. Ma parole, Saxonne, le coup était si bien porté que j’en ai vu trente-six chandelles. Mais ça ne fait pas de mal et ce n’est pas sérieux ; à cet endroit les os sont épais. Et du coup c’est lui qui est fauché, car il avait un pouce en mauvais état, et je le savais depuis qu’il l’avait abîmé lors de nos batailles entre gosses dans le sable de Watts Tract. Murphy venait de briser son pouce sur ma tête dure : il l’avait fait rentrer dans son articulation avec une torsion en dehors, et tous les vieux tendons s’étaient déchirés à nouveau. Ce n’était pas ma faute. C’est un sale tour à jouer à un type, bien qu’admis de franc jeu, que de lui briser la main avec votre crâne. Mais ça ne se fait pas entre amis. Je n’aurais pas voulu jouer une blague pareille à Billy Murphy pour un million de dollars. C’était un accident provenant de ce que je n’avais