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LA GRANDE TRAHISON DES MORMONS

repartir pour Nephi. J’étais furieusement désireux de connaître quel dénouement attendait la fatale dérive de nos quarante chariots, à travers une terre hostile et désolée.

Un mot encore avant de reprendre mon récit. Dans tous mes voyages à travers mes vies antérieures, je n’ai jamais pu en diriger aucun vers un but déterminé. Ces reviviscences se sont toujours produites hors de l’influence précise de ma volonté. Une vingtaine de fois, j’ai réincarné le petit Jesse. Il m’est arrivé, après coup, de reprendre son existence, alors qu’il était tout enfant dans l’Arkansas.

Pour plus de clarté, en ce cas comme pour les autres, j’ai réuni en faisceau toutes les phases de ces successives résurrections du passé.

Longtemps avant l’aurore, le camp de Nephi fut en grand remue-ménage. Le bétail avait été sorti de l’enceinte, pour être conduit à boire et à paître. Les hommes déchaînaient les roues et tiraient les chariots pour les dégager les uns des autres, afin que les bœufs de trait y fussent ensuite commodément attelés.

Les femmes cuisaient quarante déjeuners, sur quarante feux. Les enfants, dans le froid de l’aube, se groupaient autour de la flamme, en faisant place, ici et là, aux hommes de la dernière relève de la garde de nuit, qui attendaient le café, les yeux lourds de sommeil.

Les préparatifs du départ sont longs, pour une caravane aussi importante que l’était la nôtre. Aussi le soleil était-il levé depuis une heure déjà, et sa chaleur commençait-elle à devenir intense, lorsque nous roulâmes hors de Nephi et poursuivîmes notre chemin à travers le Désert sablonneux et pierreux.

Pas un habitant du lieu ne nous regarda partir. Ils préférèrent tous demeurer enfermés chez eux. En sorte que notre départ en parut aussi sinistre que l’avait été notre arrivée, au déclin du jour précédent.

À nouveau se succédèrent les heures interminables,