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Page:London - Le Vagabond des étoiles.djvu/140

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LE VAGABOND DES ÉTOILES

des psaumes, en compagnie de leur mère. D’autres encore ramassaient du sable humide, qui avait été remonté du puits, et l’accumulaient contre le corps de leurs bébés, pour essayer de les rafraîchir et de les calmer.

Exaspérés de tant de souffrances, les deux frères Fairfax, prenant des seaux, rampèrent sous un chariot et coururent, d’un trait, vers la source. Gilles n’était pas arrivé à mi-chemin qu’il tomba. Roger, plus heureux, put aller et revenir, relativement indemne. Les deux seaux qu’il rapporta n’étaient qu’à moitié pleins, car il en avait laissé échapper une partie, en courant. Il rampa à nouveau sous les chariots et descendit dans la grande fosse. Sa bouche saignait.

Deux seaux à moitié pleins ne pouvaient aller loin, pour tant de personnes. Les bébés seuls, les très jeunes enfants et les blessés, en eurent leur petite part. Je n’en pus obtenir une seule goutte. Mais ma mère, trempant un linge dans les quelques cuillerées qu’on lui donna pour le bébé, m’en humecta la bouche. Je mâchai le linge humide et elle ne garda rien pour elle-même.

La situation empira encore, au cours de l’après-midi. Le soleil implacable continuait à luire, dans un ciel sans nuages et sans vent, et transformait notre trou de sable en fournaise. Les détonations n’arrêtaient pas de crépiter autour de nous et les Indiens de jeter leurs cris perçants. De temps à autre seulement, mon père autorisait nos hommes à tirer un coup de feu, et uniquement les meilleurs tireurs, comme Laban et Timothée Grant.

Cependant une décharge ininterrompue de plomb s’abattait sur le campement. Il n’y eut pas de ricochets trop désastreux. Quatre seulement de nos hommes furent blessés dans leur tranchée, et un seul grièvement.

Durant une accalmie de la fusillade, mon père descendit dans la grande fosse et, sans mot dire, s’assit près de ma mère et de moi. Il écoutait, le visage contracté, toutes les lamentations, tous les sanglots de tant de malheureux