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LE VAGABOND DES ÉTOILES

À Chong-ho, ville fortifiée que nous traversâmes, je vis, à la suite d’une absorption exagérée de ce breuvage, Kim et les notables rouler sous la table. C’est sur la table que je devrais dire, car celle-ci n’était autre que le sol, où nous étions accroupis et où, pour la centième fois, je pris dans les jarrets quelques crampes carabinées.

Là encore, tout le monde murmurait : « Yi-Yong-ik ! » et, à la Cour même de l’Empereur, la glorieuse rumeur me précéda.

Toujours, n’ayant plus rien vraiment d’un prisonnier, je chevauchais aux côtés de Kim, mes longues jambes touchant presque le sol. Dès que la route devenait tant soit peu boueuse et que ma monture s’y enfonçait, mes pieds en grattaient la boue. Kim était jeune. Kim était un homme universel. En toute circonstance, il se montrait égal à lui-même. Toute la journée et une bonne moitié de la nuit, nous devisions et plaisantions tous deux. Certainement j’avais reçu le don des langues, et, très rapidement, je m’initiai au Coréen. Kim s’émerveillait de mes progrès.

Il m’instruisait aussi des mœurs et du caractère des indigènes, de leurs qualités et de leurs défauts. Il m’enseigna mainte chanson, chansons de fleurs, chansons d’amour et chansons à boire. En voici une qui était de son invention et dont je vais tenter de vous traduire la fin.

Kim et Pak, dans leur jeunesse, ont signé entre eux un pacte, selon lequel ils s’abstiendront de boire désormais. Le pacte n’a pas tardé à être rompu et tous deux chantent en chœur :

« Non, non, ne me retiens plus !
La coupe ensorceleuse,
Où tant je bus,
Fera de nouveau mon âme joyeuse !
Dis-moi, mon vieux, dis, oh ! dis
Où se vend le vin couleur de rubis !
N’est-ce pas auprès de ce pêcher rose ?
Bonne chance, adieu !
Foin de notre vœu !
Je cours m’en flanquer une bonne dose »