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SEIGNEUR ! UN PAUVRE MATELOT…

Jamais on ne fit pareillement trimarder un pauvre matelot.

J’étais, en réalité, une marionnette entre les mains du Grand Prêtre Yunsan, qui se servait de moi pour ses secrets desseins. Il tirait les ficelles sans que je comprisse goutte à cette grande affaire. Avec Lady Om, oui, j’étais un homme, comme elle l’avait dit, non une marionnette. Et pourtant, pourtant, quand je retourne mon regard en arrière et médite à travers le temps, j’ai des doutes sur ce point. Je crois que, tout en cherchant à satisfaire avec moi sa passion, elle me faisait marcher à sa guise. Il n’en demeure pas moins que, sur un point, nous-nous comprenions. Les désirs mutuels que nous avions l’un de l’autre étaient si ardents, si pressants, qu’aucune volonté, pas même celle de Yunsan, n’eût réussi à se mettre en travers.

L’intrigue de palais, que je devinais vaguement, mais dont je ne pouvais saisir exactement la trame, était dirigée contre Chong-Mong-Ju, le cousin et prétendant de Lady Om. Il y avait là des fils et des fils, à n’en plus finir, et je me perdais dans l’enchevêtrement de ce labyrinthe. Toutefois, je ne m’en tracassais pas autrement.

Je me contentais de rapporter à Hendrik Hamel, mon mentor, tout ce que j’en découvrais de détails intéressants. Et lui, assis, le front plissé, durant d’interminables heures de nuit, il s’appliquait à ordonner et à débrouiller, quand ce n’était pas à embrouiller, cette toile d’araignée. En sa qualité de fidèle esclave, il insistait pour m’accompagner partout, et tout voir aussi par lui-même. Mais souvent Yunsan s’opposait à sa présence et, de mon côté, je l’écartais de mes entretiens avec Lady Om. Je me contentais de lui rapporter ce qui s’était passé dans nos tête-à-tête, en taisant, bien entendu, les tendres incidents qui ne le regardaient pas.

Je crois qu’au fond Hendrik Hamel n’était point fâché de me voir assumer seul la responsabilité et les risques de la comédie qui se jouait. Si je réussissais, du