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LE VAGABOND DES ÉTOILES

Face-de-Tourte, vous le savez, était ce gardien qui dormait continuellement. Il faisait chaud et il ne tarda pas, en effet, à ronfler. J’achevai de faire sauter mes barreaux et me faufilai à travers le guichet, en me comprimant fort, opération à laquelle la camisole m’avait habitué, Après quoi, je passai devant Face-de-Tourte, atteignis l’extrémité du corridor et me trouvai libre… dans la prison.

Mais alors advint la seule chose que je n’avais pas prévue. Il y avait cinq ans que j’étais enfermé dans ma cellule d’isolement. J’étais effroyablement et hideusement faible. Mon poids était tombé à soixante-quatre livres. Mes yeux étaient presque aveugles.

Je fus soudain, en me trouvant dehors, frappé d’agoraphobie. L’espace qui m’environnait m’épouvanta. Cinq années dans cette cage étroite m’avaient rendu incapable de descendre la pente vertigineuse de l’escalier qui s’ouvrait devant moi.

Je l’essayai cependant, et y réussis. Ce fut l’acte le plus héroïque que j’eusse accompli dans toute ma vie. Et j’arrivai ainsi à l’une des cours intérieures de la prison.

La cour, à cette heure, était déserte. Le soleil éblouissant y dardait en plein ses rayons. Par trois fois, je tentai de la traverser. Mais la tête me tourna et je dus chercher une protection dans l’ombre que projetait un de ses murs.

Un peu remis, je raidis derechef mon courage et renouvelai mon essai. Mes pauvres yeux chassieux, médusés comme ceux d’une chauve-souris, me firent tressauter d’effroi, à la vue de mon ombre qui s’étendait, devant moi, sur les pavés. Je m’efforçai d’éviter mon ombre, trébuchai, puis tombai sur elle. Alors, comme un homme prêt à se noyer, qui fait effort pour atteindre le rivage, je rampai sur les genoux et sur les mains, vers l’abri du mur sauveur.

Je m’y accotai et me pris, là, à pleurer. Il y avait