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L’INTERROGATOIRE

bourreaux vont m’emmailloter la tête et la face dans la fatale étoffe… Pourquoi ? Oui, pourquoi ?

— Parce qu’il faut ménager leur sensibilité, à ces chiens. Parce qu’il ne faut point, qu’ils voient, en opérant par ton ordre, ma figure se crisper en un rictus horrible. Car alors, une autre fois, peut-être n’oseraient-ils plus. Voilà !

Je reviens à ce qui se passa dans les cachots, quand les quarante prétendus conspirateurs furent venus m’y rejoindre et que la porte extérieure du corridor se fut refermée, en claquant.

Les quarante battus, fort désappointés de leur évasion manquée, se ruèrent aux grilles des guichets et, d’un cachot à l’autre, commencèrent à se parler et à se poser entre eux des tas de questions. C’était, dans la sonorité du corridor, un brouhaha indescriptible.

Mais bientôt un rugissement de taureau retentit. C’était, dominant le tumulte, la voix de l’ancien matelot, Skysail Jack, une espèce de géant. Il commanda le silence, tandis qu’il allait faire l’appel de tous les hommes présents. Et, les uns après les autres, les quarante crièrent, leurs noms. Alors on sut mutuellement qui on était, c’est-à-dire des hommes sûrs, dont pas un n’était capable de se vendre, pour moucharder.

J’étais le seul sur qui planait quelque suspicion. On me fit subir un interrogatoire en règle. J’exposai que le matin même, j’étais sorti de mon cachot et que, sans cause apparente, on m’y avait ramené, peu de temps avant eux. Je ne savais rien d’autre. Ma réputation d’incorrigible au premier chef plaida pour moi, et on me fit confiance. Alors on délibéra.

J’écoutais, derrière mon guichet, et, pour la première fois, j’eus connaissance de la fameuse conspiration. Qui avait vendu la mèche ? On n’en savait rien encore. Toute la nuit, on discuta sur ce point. Cecil Winwood, que l’on eut beau appeler, n’étant point de la tournée, tous les soupçons se réunirent finalement sur lui.