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LE VAGABOND DES ÉTOILES

Ed. Morrell n’insista pas et se reprit à me parler.

— N’oublie pas, Darrell, que l’entreprise est scabreuse. Il y a des risques. Ainsi j’ai toujours eu cette impression bizarre, que si l’on venait enlever mon corps de ma cellule pendant que j’étais sorti de ce corps, je n’eusse plus, ensuite, été capable de le réintégrer. C’est-à-dire qu’alors ma carcasse serait morte pour de bon. Et cela, c’est une satisfaction que je ne tiens pas à donner au capitaine Jamie et aux autres. Mais reprenons notre affaire. Une fois que tu as réussi à abandonner ta dépouille matérielle, peu importe qu’on te laisse dans la camisole, un ou plusieurs mois durant. Tu ne souffres plus. Il y a des gens, tu le sais comme moi, qui ont été plongés en léthargie pendant toute une année. Ainsi en sera-t-il de ton corps. Lui seul demeure par terre, boudiné et ficelé dans la toile, en attendant ton retour. Telle est la ligne à suivre. Essaye.

— Et s’il ne revient pas dans son corps ? demanda Oppenheîmer.

— Alors il est évident qu’il n’aura pas les rieurs de son côté. Ni moi non plus.

Ici, la conversation prit fin. Face-à-Tourte, qui ne dormait que d’une oreille, s’éveille, d’un air chagrin. Il menaça Morrell et Oppenheigner de les signaler dans son rapport, le lendemain matin ; ce qui, pour eux, entraînerait une séance, en camisole. Quant à moi, il crut inutile de me rien dire, sachant bien que, de façon ou d’autre, la camisole m’attendait.

Longtemps je demeurai étendu sur le dos, dans le silence et la nuit, oubliant ma souffrance tandis que je réfléchissais aux paroles d’Ed Morrell.

Ce que j’avais tenté par des moyens d’auto-suggestion, et ce qui ne m’avait donné que des résultats imparfaits, la méthode si différente, contraire même, d’Ed. Morrell allait-elle me permettre de l’obtenir ? Grâce à elle, allais-je pouvoir pénétrer plus avant, et de façon plus précise, dans mes « moi » antérieurs ?