Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
UNE TRANCHE DE BIFTECK

Il ne lui demanda pas de l’embrasser — il ne le faisait jamais en s’en allant — mais ce soir elle prit l’initiative, lui jetant ses bras autour du cou et l’obligeant à se pencher vers elle. Elle semblait toute menue à côté de ce colosse.

— Bonne chance, Tom ! fit-elle. Fais-lui son affaire, il le faut.

— Oui, il faut que je lui fasse son affaire, répéta-t-il. Voilà tout. Il faut que je lui règle son compte.

Il éclata d’un rire forcé, tandis qu’elle se serrait contre lui. Par-dessus ses épaules, il parcourut du regard la chambre nue. Voilà tout ce qu’il possédait au monde, avec le loyer en retard, sa femme et les gosses à nourrir. Il quittait tout cela pour aller, dans la nuit, chercher la pâture pour la femelle et les petits, non pas comme un travailleur moderne se rendant à sa besogne mécanique, mais à la façon antique et primitive, à la mode royale et animale, en se battant pour la conquérir.

— Il faut absolument que je lui fasse son affaire, reprit-il, cette fois avec une ombre de désespoir dans la voix. La chose en vaut la peine : trente livres, de quoi payer toutes