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Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/214

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POUR LA RÉVOLUTION MEXICAINE

visions lui revenaient à la mémoire : la grève, entre autres, ou plutôt le renvoi en masse des travailleurs de Rio-Blanco pour s’être solidarisés avec leurs frères grévistes de Puebla ; la faim, les expéditions dans la montagne à la recherche des mûres, des racines et des herbes que ces pauvres bougres dévoraient et qui leur causaient à tous d’affreux tiraillements d’estomac ; puis le cauchemar ; la plaine nue devant l’entrepôt de la Société ; le général Rosalio Martinez et les soldats de Porfirio Diaz ; les fusils crachant la mort, noyant dans le sang les travailleurs et leurs revendications… du sang, toujours du sang. Ah ! cette nuit inoubliable ! Il revoyait les charrettes plates sur lesquelles étaient empilés les cadavres des victimes qu’on faisait filer à la Vera Cruz, pour les jeter en pâture aux requins de la baie. Il se revoyait rampant sur ces monceaux funèbres, cherchant et finissant par trouver, nus et mutilés, son père et sa mère. Il se rappelait surtout sa mère, dont le visage seul dépassait sous le poids de douzaines de cadavres qui écrasaient son pauvre corps. Puis, les fusils des soldats de Porfirio Diaz se remirent à cracher ; il s’abattit de nouveau par terre et s’éloigna en rampant