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Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/265

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LES TEMPS MAUDITS

vivante. D’ordinaire, à cette heure-là, les tramways se succédaient dans ma rue à une moyenne de trois minutes : et au cours des dix minutes suivantes, pas un ne se fit entendre. J’en conclus que les employés pouvaient être en grève ou que le courant faisait défaut par suite d’un accident. Mais non ! Le silence était trop profond : je n’entendais ni cahots, ni grincements de roues, ni piétinements de sabots sur les pavés en pente.

Je touchai le bouton à la tête de mon lit et tentai de percevoir le bruit de la sonnette, sachant pourtant qu’il ne pouvait me parvenir à travers les trois étages inférieurs. Mais la sonnerie fonctionnait car, au bout de quelques minutes, Brown entra avec le plateau et un journal du matin. Encore qu’il conservât son impassibilité coutumière, je surpris dans ses yeux une lueur d’inquiétude et remarquai également l’absence de lait sur le plateau.

— La crémerie n’a pas fait de livraison aujourd’hui, déclara-t-il, la boulangerie non plus.

Je reportai mes regards sur le plateau : pas de croissants français, rien que des tranches de pain de seigle rassis de la veille, le plus détestable aliment que je connaisse.