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Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/41

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LES TEMPS MAUDITS

Avec une habileté de prestidigitateur, tout en faisant semblant de couper la miche, elle la remit dans la huche à pain et lui passa une de ses tranches à elle. Elle croyait l’avoir trompé, mais il avait vu le tour de main. Cependant, il ne se gêna point pour prendre la tranche, en vertu de cette réflexion philosophique que sa mère, de nature maladive, n’avait jamais grand appétit.

Le voyant mâchonner son pain sec, elle se pencha et vida dans sa tasse ce qui restait de café dans la sienne.

— Décidément, ça me tourne sur l’estomac ce matin, dit-elle en guise d’explication.

Un coup de sifflet lointain, prolongé et aigu, les remit tous deux sur pied. Elle regarda le réveille-matin en métal blanc posé sur l’étagère. Les aiguilles marquaient cinq heures et demie. Les autres ouvriers d’usine s’éveillaient à peine. Elle se mit un fichu sur les épaules et, sur sa tête, un misérable chapeau usé et informe.

— Va falloir courir, dit-elle en baissant la mèche et soufflant dans le verre de lampe.

Ils quittèrent la pièce et descendirent à tâtons. Par ce temps clair et froid, Jeannot frissonna au premier contact avec l’air exté-