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Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/50

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LE RENÉGAT

monotone. La lente matinée et l’interminable après-midi se passèrent et le sifflet annonça l’heure de la sortie.

L’obscurité s’épaississait déjà lorsque Jeannot franchit les portes de l’usine. Pendant cette claustration, le soleil avait eu le temps de grimper son échelle d’or, d’inonder le monde de sa chaleur bienfaisante et de disparaître à l’occident, derrière un profil dentelé de toits.

Le dîner constituait le repas familial de la journée, l’unique repas où Jeannot se trouvât en compagnie de ses frères et sœurs plus jeunes. Ce dîner prenait parfois une allure d’escarmouche, car Jeannot se sentait très âgé et les autres manifestaient une surprenante jeunesse, incompréhensible pour lui ; sa propre enfance était trop loin derrière. Semblable au vieillard irritable, agacé par la turbulence de cette jeunesse, dont l’entrain lui paraissait une fieffée sottise, il regardait fixement son assiette, trouvant quelque agrément à la pensée qu’ils devraient bientôt se mettre au travail. Cela émousserait un peu leur exubérance, les rendraient tranquilles et sérieux comme lui. Ainsi, conformément à la tendance de la nature humaine, Jeannot se prenait pour règle à mesurer l’univers.