Page:London - Les Vagabonds du rail, 1974.djvu/22

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la mendicité comme une joyeuse fantaisie, je devins un vrai fils de Mme Grundy[1], accablé sous le fardeau de toute sa moralité bourgeoise. Seules les affres de la faim me contraignaient à m’abaisser à un expédient aussi ignoble que de sonner aux portes. Et j’essayai de donner à mon visage la pâleur anxieuse d’un jeune famélique ingénu.

— Vous avez faim, mon pauvre garçon, dit-elle.

Je l’avais laissé parler la première.

J’acquiesçai de la tête et marmottai :

— C’est la première fois que je… mendie.

— Entrez donc !

La porte s’ouvrit toute grande.

— Nous avons déjà fini notre repas, mais le feu marche encore, et je vais vous préparer quelque chose.

Elle m’observa attentivement lorsque je fus éclairé par la lampe.

— Je voudrais bien que mon fils fût solide comme vous, dit-elle. Mais il n’est pas fort. Il a des attaques et il tombe parfois. Cela lui

  1. Personnage symbolique de la bourgeoisie anglaise, d’une pruderie affectée.