Page:London - Par les tortues de Tasman, paru dans Ric et Rac, 6, 13 et 20 août 1932.djvu/65

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et la moitié des hommes de l’équipage avaient trouvé la mort à cet endroit. Il décrivit l’énorme perle que son camarade Desay ramenait à terre avec lui, puis la palissade ornée de têtes humaines entourant la paillote qui servait de palais à la reine malaise et à son prince-consort, une espèce d’Eurasien chinois échoué là à la suite d’un naufrage. Il y avait eu des festins et des danses échevelées dans la nuit barbare ; la reine, ensorcelée par la perle de Desay, avait fait la cour à celui-ci qui, à son tour, convoitait la princesse royale. Un beau matin, Desay, les doigts brisés, mais toujours en vie, avait été déposé sur un rocher à marée basse pour y être dévoré par les requins. Tom parla aussi de l’arrivée de la peste, du bruit des tam-tams et de l’exorcisme des docteurs-sorciers, puis de la lutte épique pour sauver l’homme, délivré enfin par le vieux Tasman, qui avait été décapité lui-même, voilà un an à peine et dont la tête reposait dans quelque forteresse milanaisienne.

Tout son récit évoquait la chaleur, la désolation et la sauvagerie des îles inondées de soleil, les perles d’émeraude, la frondaison des palmiers, parsemant une mer d’un bleu de turquoise.

Malgré lui, Frédéric demeurait captivé par le charme de cette histoire. Quand Tom eut terminé, Frédéric eut conscience d’un vide étrange dans son âme.