Page:Londres - Au bagne.djvu/105

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— Si vous entrez, vous ne verrez rien : ils se donneront en spectacle. Je vais vous conduire devant un judas. Vous y resterez le temps que vous voudrez.

Ils étaient allongés sur deux longs bat-flancs, le pied pris dans la manille (la barre). De petits halos faisaient des taches de lumière. C’étaient les boîtes de sardines qui éclairaient. Ils ne jouaient pas aux cartes. Quelques-uns se promenaient, ceux qui avaient pu se déferrer. Les manilles sont d’un même diamètre et il y a des chevilles plus fines que d’autres. Ils s’insultaient. J’entendis :

— Eh ! l’arbi ! C’est-y vrai que ta mère est une pute ?

Ils parlaient de l’événement du jour, de la visite du journaliste.

— Tu crois qu’il y fera quelque chose ? Rien, j’te dis. D’ailleurs, nous n’avons plus rien de commun avec les hommes, nous sommes un parc à bestiaux.

— Ça ne peut tout de même pas durer toute la vie.

— T’avais qu’à ne pas tuer un homme.

— Et toi, qui qu’t’as tué ?

— Prends le bateau et va le demander au juge d’instruction du Mans, s’il veut te recevoir.

Aucun ne dormait. On voyait des couples. Un sourd brouhaha flottait, déchiré de temps en temps d’un éclat de voix fauve. Par l’odeur et la vue, cela tenait de la ménagerie.