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MARCHERAS L’AVENTURIER


J’allais sortir. Il était six heures du soir. Quarante-deux forçats avaient défilé devant moi, sous cette véranda, l’après-midi. Je me sentais égaré dans une immensité de misères. Un quarante-troisième forçat apparut au sommet de l’escalier.

— Vous avez quelque chose à me dire ?

— Oh ! non, pas moi ! Mais vous voulez me voir, je crois ?

— Marcheras ?

— Marcheras.

Marcheras, présentement infirmier des îles du Salut.

Docteur, commandant, surveillants reconnaissaient en lui un « homme bien », une « personnalité intéressante ». À l’hôpital, son chef lui accordait une « confiance sans limite ».

Du forçat, il n’avait que la livrée. Il tenait son chapeau de paille tressée d’une main habituée aux meilleurs feutres. Sa tenue, ses propos, son sourire, ses silences étaient d’une élégance désabusée.

Nous voilà assis, chacun d’un côté de la table.

— Eh oui, fit-il, telle est la vie !