Page:Londres - Au bagne.djvu/136

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l’homme intègre. Mes chefs me confient l’infirmerie. Je gère vingt mille francs.

Les camarades me disent : « Tiens ! Henri, garde-moi ça. » Je garde. Comment expliquez-vous cela ?

J’ai été un criminel.

Trois fois je me suis évadé.

J’ai traîné la chaîne (j’étais de ce temps), onze mois, je fus aux fers par les deux pieds.

J’ai mérité ces châtiments.

Ai-je du repentir ? Je ne dis pas que je porte droit mes crimes, mais je les porte. Quand à l’âge de raison on s’est chargé d’un fardeau, on ne gémit pas sous le poids.

Bien souvent, quand je me trouve seul, les soirs, chez moi, dans mon hôpital, je regarde les bocaux. J’ai tous les genres de mort à ma disposition. Alors je me dis : Si j’abrégeais ? Toujours une voix répond : Qui sait ?… J’ai franchi les Andes. Sur trois planches, j’ai affronté la mer des Guyanes. J’ai traversé à la nage des rios en crue. Je n’ai pas le courage de déboucher un flacon ! Vous avez voulu me voir ? Tel est le triste individu que je suis. Au revoir, monsieur, et bonne chance !