Page:Londres - Au bagne.djvu/148

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— On va tous crèver, va ! et toi aussi, si ti demeures !

C’est un Arabe. Je ne dis pas qu’il crache ses poumons, c’est fait. Il est assis dans sa case, sur son bat-flanc : feu follet qui s’élèverait de sa propre décomposition, ce feu follet a faim.

— Ti pourrais pas mi faire donner une pitite boîte de lait ?

Il n’y a donc pas d’hôpital ? Si. Il en est un grand à Saint-Laurent-du-Maroni. Mais on ne devient pas gibier d’hôpital comme ça, au bagne ! Il ne suffit pas d’être condamné pour franchir l’heureuse porte de cet établissement de luxe. Il faut avoir un membre à se faire couper, ou, ce qui est aussi bon, pouvoir prouver que l’on mourra dans les huit jours.

Alors, et les médecins ?

Les médecins sont écœurés. Les témoins les plus violents contre l’administration pénitentiaire se trouvent parmi eux.

Le médecin voit l’homme. L’administration voit le condamné. Pris entre ces deux visions, le condamné voit la mort.

Mille bagnards meurent par an. Ces neuf cents mourront.

— Mais c’est long, monsieur, me dit celui-là, né à Bourges, c’est long !… long !…

Au camp des relégués, le docteur passe chaque jeudi ; au camp des transportés, tous les dix jours.

— Nous sommes malades quand nous y allons,