Page:Londres - Au bagne.djvu/151

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êtes le bon Cyrénéen du calvaire ! » L’autre : « Tendez-moi la main. » C’est déchirant.

Et Jeannin, le photographe Jeannin, vient de recruter quelques escouades pour « faire une plaque ».

— Non ! Jeannin, non !

Mais ils s’amènent avec leurs béquilles. Ils collaborent de bonne grâce. Devant l’appareil — ils s’en souviennent — il faut sourire. Ils sourient.

Voilà le docteur Brengues, un forçat. Condamné pour avoir tué son beau-frère à Nice, il n’a cessé de crier son innocence, il revient de se promener dans le camp. On dirait un vieux berger de la Camargue. Vêtu de coutil noir, un grand bâton de bouvier à la main, sa barbe en râpe, il va sur soixante-dix ans.

— Regardez autour de vous. Mais regardez donc ! Moi je subis ici une peine que j’appellerai « la peine de l’ironie ». Docteur, on m’a mis au milieu de moribonds pour que je les regarde expirer, impuissant. Je ne dis pas que ce soit un raffinement, mais, enfin, c’est un supplice, alors je m’en vais, je marche, je marche…

Mais quelqu’un vient vers moi en courant, il a peur de ne pas arriver à temps. C’est un confrère, un pauvre bougre saturé de chagrin et de remords. Je me souviens fort bien de lui. Oh ! il n’a pas tué père et mère. C’est un maniaque, un ivrogne, il volait un colis dans une gare, un poulet au marché ; une fois, sur une banquette de café, il prit