Page:Londres - Au bagne.djvu/174

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Il se mit à genoux et pria. Deux jours après, je voyais. Les médecins dirent que c’était leur pommade, mais moi je sais bien que c’est la prière de mon père.

» Je n’ai pas eu de chance, je n’ai jamais eu de chance. Mais j’étais un bon enfant. Je n’ai reçu qu’un reproche de mon père. Ce fut après mon affaire. Il m’écrivit : « Tu te rappelles les nuits que j’ai passées près de toi, tu te rappelles Notre-Dame des Grâces. Tu avais oublié sans doute tout cela, à l’heure de ta folie. » Eh bien ! il est mort de mon histoire. Il est mort à quatre-vingt-six ans. Sa dernière sortie fut pour me voir passer aux assises. Il était sacristain, il faisait les baptêmes, les mariages, les enterrements, tout !

La pluie descendant comme des cordes raides, Ginioux baissa les stores de la véranda.

— Je suis ici depuis dix-sept ans. Je suis venu avec Ulbach, vous savez Ulbach, ce monsieur très bien qui avait donné des poisons à sa maîtresse et que sa maîtresse s’en est servi pour tuer son mari. Il était condamné à vingt ans. Mais lui il a bien tourné. Il est réhabilité, il a pris une grande pharmacie à Cayenne et épousé la fille honorable d’un vrai fonctionnaire. Il était venu comme moi. Il est maintenant comme le plus honnête, voilà !

— Mais, Ginioux, qu’est-ce que tu as fait ?

— J’ai tué la fille de ma patronne. J’étais domestique de ferme. Elle ne voulait pas que je