Page:Londres - Au bagne.djvu/18

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chrétiens, nous avons tous fait plusieurs fois le signe de croix.

Les onze hommes à ce moment me regardèrent comme pour me dire : mais oui.

— La barque volait sur la mer comme un pélican. Au matin, on vit la terre. On se jeta dessus. Des Noirs étaient tout près.

« Venezuela ou Trinidad ? » crions-nous.

— Trinidad.

C’était raté. Nous voulûmes repousser le canot, mais sur ces côtes les rouleaux sont terribles. Après huit jours de lutte, nous n’en avons pas eu la force. Le reste n’a pas duré cinq minutes. Des policemen fondirent sur nous. Dans Trinidad, Monsieur, il n’y a que policiers et voleurs. Un grand noir frappa sur l’épaule du rouquin et dit : « Au nom du roi, je vous arrête ! » Il n’avait même pas le bâton du roi, ce macaque-là ! mais un morceau de canne à sucre à la main. Ces noirs touchent trois dollars par forçat qu’ils ramènent. Vendre la liberté de onze hommes pour trente-trois dollars, on ne peut voir cela que dans ce pays de pouilleux.

Alors j’entendis une voix qui montait du deuxième forçat et qui disait : « Moi, j’ai tué pour moins. »

— Ce n’est pas de chance ! dit Tintin. Quarante camarades nous avaient précédés depuis deux mois, tous sont arrivés. L’un est même marié à la Guayra.

Le garçon de cambuse surgissait sur l’arrière. Je lui commandai une bouteille de tafia.